Interview : Nataly Camacho et Théo Zachmann, gagnants de la 20e édition du Concours de Scénarios

En mars 2019, Nataly Camacho et Théo Zachmann remportaient le premier prix du Concours de Scénarios, avec leur projet Cuentos de Humo. Aujourd’hui, ils reviennent en interview sur leurs parcours, l’écriture de leur scénario en duo, et l’impact qu’a eu la victoire sur leur carrière. 

 

Festival du Cinéma européen : Quel a été, tout au long de votre vie, votre rapport au monde du cinéma ?

Théo Zachmann : De mon côté, j’ai grandi dans un milieu artistique. Très tôt, j’ai eu un accès privilégié à la culture, et plus particulièrement à la photographie, au cinéma et à la peinture. Mon premier rapport au cinéma et à l’image, qui s’avère être aussi le plus fort et le plus intime, est donc en tant que spectateur. Ensuite, quand j’ai commencé à étudier le cinéma en parallèle de mes études de théâtre, et quand j’ai réalisé des films et écrit des scénarios, mon rapport au cinéma a un peu changé. Mais je pense que mon parcours dans l’industrie du cinéma n’est pas « classique » : je me suis tourné vers cette industrie par le biais du théâtre et de la photographie, je n’ai donc pas suivi un parcours purement cinématographique (réalisation, jeu).

Nataly Camacho : Bonjour, de mon côté, je me suis tournée vers le cinéma très tard, quand j’ai commencé mes études à l’université et que je suis devenue spectatrice régulière. En réalité, je n’avais jamais pensé faire du cinéma. C’est quelque chose qui est arrivé de manière étrange. Je fais des études d’anthropologie, et le rapport entre l’anthropologie et le cinéma était surtout le cinéma ethnographique et documentaire. Je me suis confrontée à la difficulté de réaliser un documentaire en travaillant sur mon sujet de travail. Je travaille sur des jeunes qui consomment des drogues dures à Bogota, qui vivent dans des conditions extrêmement précaires et dans des lieux difficiles d’accès et dangereux, qui s’appellent les ollas. J’ai alors envisagé d’écrire quelque chose qui permettait de raconter, de faire entendre les voix de ces personnes, de décrire cette réalité à travers une fiction. C’est ce travail qui m’a, par la suite, orientée vers le cinéma et l’écriture de ce scénario avec Théo.

 

FCE : Comment se passe l’écriture d’un scénario en duo ? 

Théo Z. : Je ne sais pas si je peux répondre d’une manière générale parce que ça a été assez spécifique à ce projet. En l’occurrence, ça s’est bien passé. Le plus important est que chacun trouve sa place et s’écoute. Pour Cuentos de Humo, je pense que chacun avait une place bien particulière : j’ai construit la structure, et Nataly a davantage établi le réalisme des dialogues et des situations. Nous avons donc dû beaucoup discuter, dialoguer, nous relire, nous écouter en général.

 

FCE : Quelles ont été vos sources d’inspiration pour Cuentos de Humo ? 

Nataly C. : Cuentos de Humo s’inspire directement de mon travail de recherche sur des jeunes, des personnes qui consomment des drogues dures. Je suis anthropologue et j’ai fait toutes mes études en Colombie. J’ai fait ma thèse et mon mémoire sur ce sujet, ça fait donc presque 13 ans que je travaille dessus. Toutes les histoires s’inspirent de mes recherches, de mes interviews, des conversations ethnographiques que j’ai eues avec plusieurs personnes. Ce fut un travail intense. Théo a aussi rencontré plusieurs de ces personnes, et nous avons commencé à penser plus spécifiquement à un projet cinématographique : des interviews filmées. Cela permettait de nous procurer un matériel important avant d’écrire Cuentos de Humo.

 

FCE : Quels sont, pour vous, les ingrédients d’un bon scénario ?

Théo Z. : Selon moi, le principal ingrédient d’un bon scénario est une bonne idée de départ, une idée originale. Il faut surprendre et intéresser le spectateur avec des choses qu’il n’a pas l’habitude de voir, ou qu’il va voir différemment. Je pense que je suis assez attaché à la structure et au rythme. Les personnages sont également au centre d’un bon scénario. Il faut qu’ils soient riches, creusés, travaillés.

Nataly C. : C’est une question très difficile, peut-être parce que c’est très subjectif. J’aime les histoires cohérentes, avec un début et une fin. Et j’aime les histoires croisées, avec des personnages qui nous font voyager dans différents univers. Enfin, en relation avec mon travail, j’aime bien les histoires qui nous racontent et nous rapprochent des différentes réalités sociales.

Il faut surprendre et intéresser le spectateur avec des choses qu’il n’a pas l’habitude de voir, ou qu’il va voir différemment.

FCE : Comment avez-vous découvert le Concours de Scénario du Festival du Cinéma européen ?

Théo Z. : Assez simplement. Au moment de présenter le Concours, le scénario était déjà écrit. Je faisais alors attention aux deadlines des différents concours et appels à scénarios. Mais, c’était la première fois que je présentais le Concours.

 

FCE : Que vous a apporté la victoire de la 20e édition de ce concours ?

Nataly C. : La rencontre avec d’autres scénaristes m’a beaucoup apporté. Découvrir l’univers du scénario et de l’écriture cinématographique a été une très belle expérience. La formation au pitch a été très intéressante, et devoir résumer des choses aussi succinctement est rare dans le milieu de la recherche : ça a été très formateur. C’est également un concours très réputé, donc ça donne envie de continuer. Et le prix nous a donné la possibilité d’intégrer Sequence7, ce qui a été une bonne opportunité pour continuer dans le milieu du scénario et comprendre mieux les scénaristes, ainsi que pour continuer à écrire tout simplement.

Théo Z. : Le prix m’a apporté une expérience très riche au moment du Festival. Faire partie du groupe de finalistes a été très intéressant : nous avons été formés au pitch et nous avons pu échanger sur nos différents projets. Le prix m’a également permis de gagner de la confiance en moi, et donc une motivation à continuer à écrire. Ce fut un honneur de recevoir ce prix. Les récompenses du Concours m’ont également beaucoup apporté : l’inscription à l’association Séquence 7 m’a permis de rencontrer des scénaristes, de partager leur rythme de travail, et de participer à des workshops et des master class.

Faire partie du groupe de finalistes a été très intéressant : nous avons été formés au pitch et nous avons échangé sur nos différents projets.

FCE : Pensez-vous devenir scénaristes professionnels ?

Théo Z. : Pour être très sincère, j’ai déjà pensé devenir scénariste professionnel pendant mes études. J’ai toujours aimé l’écriture et, depuis que je suis jeune, j’écris sous des formes très diverses. J’ai alors pensé à faire des études plus spécifiques, en rapport avec l’écriture de scénarios, que j’aime beaucoup. J’ai finalement pris un autre chemin, plus polyvalent, plus centré sur la réalisation et le jeu. Mais j’ai continué à écrire !  Être sélectionné et gagner ensuite le Concours de Scénarios, m’a encouragé à poursuivre l’écriture professionnellement.

Nataly C. : Je ne sais pas si je vais devenir scénariste professionnel. Je ne crois pas. Mais selon moi, le travail de scénariste sera toujours lié au métier d’anthropologue. C’est en commençant toujours par observer et étudier une réalité par le biais de l’anthropologie ou de la sociologie, que je pourrais m’aventurer à autre chose.  

 

FCE : Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui veut se lancer dans l’écriture ?

Théo Z. : Je pense qu’il n’y a pas de méthode idéale : chacun doit trouver sa propre méthode, ne pas se perdre dans des détails : commencez par le plus général, et ensuite détaillez chaque acte ou chaque scène. Certains vont se sentir plus à l’aise en commençant à construire le film à partir d’un personnage, d’une scène, de l’écriture d’un dialogue particulier… Mais c’est sûrement un peu bateau, je n’ai pas encore de conseils réels à donner (Rires).

Plus concrètement, tout d’abord, il faut trouver un rythme d’écriture : écrire 2h par jour, ou écrire plus longtemps mais deux fois par semaine ; écrire un jour particulier, à une heure spécifique, … Deuxièmement, la plus grosse difficulté dans l’écriture est d‘écrire seul. Il peut être nécessaire d’être entouré de personnes de confiance, capables de nous aider, nous relire, …